Les gangs de motards sont apparus dans la seconde moitié du vingtième siècle pour les plus récents, ce phénomène tire certainement son origine d’une volonté de la part de jeunes laissés pour compte de rompre avec ce qui lui semblaient être les pièges de la civilisation pour partir ensemble vers de nouvelles routes. De fait, la jeunesse du 20e siècle n’a pas été épargnée par les conflits, conflits auxquels elle a malheureusement dû prendre part de gré ou de force. Ainsi, de très nombreuses personnes furent tuées dans les diverses guerres du vingtième siècle.
Partir entre copains écumer les routes est une manière de refuser cette fatalité et de montrer une volonté de rupture par rapport à un ordre et des institutions qui leur semblent obsolètes. La moto symbolise bien ce désir de briser les frontières et de partir. Moyen de transport dangereux, bruyant, mal vu des populations civiles, la moto symbolise à elle-même la plupart des velléités de ces jeunes gens. Le cas des Rebels ne fait pas exception.
L’alchimie qui préside à la formation d’un club est toujours difficile à saisir de manière historique, surtout parce que la distinction entre ce qui s’est réellement passé et le mythe qui en est tiré est souvent difficile à discerner. Majoritairement, ce sont des rencontres fortuites, des hasards du quotidien qui entraînent par ricochet l’agglomération de plusieurs personnes ayant une passion commune.
C’est ainsi que dans la petite ville de Brisbane, en Australie, plusieurs motards se rencontrèrent et décidèrent au bout d’un moment de donner un ton plus officiel à leurs rencontres et à leurs discussions. Cela s’est passé dans un hôtel de l’État du Queensland en 1969, sur l’initiative d’un certain Clint Jacks.
À l’origine, le premier nom qui avait été choisi était “The Confederates MC”, finalement après discussion le nom a été changé en “Rebels”. Cela est politiquement intéressant, dans la mesure où ce changement de nom permet d’élargir le sentiment d’appartenance des membres à la seule situation historique de la Confédération. Pour faire partie du club, le désir d’une rébellion par rapport à l’ordre établi est suffisant, par-delà les contextes historiques et les aléas des relations internationales. Internationalement d’ailleurs, la situation géographique de la ville de Brisbane est intéressante, puisqu’elle se situe à quelques encablures de l’océan Pacifique, dans lequel le fleuve Brisbane se jette.
Cela est certainement l’occasion de jolies balades en bateau, mais surtout de juteuses opérations de trafics en tous genres. Cette double perspective de plaisir et de relations commerciales est toujours à analyser de pair lorsqu’on s’intéresse à l’évolution des clubs de motards. D’ailleurs l’évolution des Rebels fut spectaculaire, à tel point que l’on peut les considérer comme l’un des clubs les plus influents du monde. Sans en arriver là, le groupe s’est très rapidement étendu, grâce aux nombreux réseaux de connaissances que possédait le président et les premiers membres, de telle sorte que les premiers chapitres se sont rapidement ouverts/strong> en Australie.
Peu à peu, c’est une dimension internationale qu’a acquise le club. En effet, il comporte actuellement près de 70 chapitres répartis sur toute l’Australie, tandis que les Rebels ne sont pas en reste sur l’international, comme en témoigne le grand nombre de chapitres dans le monde: au Cambodge, au Canada, au Costa Rica, en Croatie, en Angleterre, dans les Fidji, en Allemagne, en Grèce, en Indonésie, en Italie, au Laos, au Liban, à Malte, en Nouvelle-Zélande, dans les Philippines, à Singapour, en Espagne, en Thaïlande et aux États-Unis. On peut voir que c’est dans des pays qui ne sont pas trop éloignés de l’Australie que les Rebels, forcément, ont rayonné.
Toutefois, leur sphère d’influence s’étend également à l’autre bout du globe. Cette expansion témoigne certes de la réussite de ce désir d’intégrer des valeurs communes et un réel succès politique, toutefois la dimension commerciale n’est jamais loin quand il s’agit de l’expansion des gangs de motards. En effet, plus un club est grand et divisé en chapitres sur des pays différents, plus il est difficile pour les forces de l’ordre de retrouver un membre qui se serait évaporé dans la nature. Avec autant de points de chute possible, retrouver un membre en cavale relève d’une véritable gageure.
Enfin, plus le club est réparti sur différents endroits, plus il dispose d’interlocuteurs et de contacts commerciaux pour l’organisation de ses affaires illicites. La vitalité et le rayonnement des Rebels est certes une bonne chose, mais il faut la considérer avec un peu de recul.
Sommaire
Les spécificités du Club
Comme souvent, une certaine confidentialité, un sens du secret pèse sur les clubs de motards dès qu’on essaie de se pencher dessus n’en faisant pas partie. Cela est assez fréquent dans la mesure où les activités de la plupart d’entre eux sont illégales, à quelques exceptions près, qui promeuvent la solidarité et l’entraide. Toutefois, la majorité des gangs de motards prône une vie à la marge de la communauté, organisée et financée par des actions illicites qui permettent d’alimenter le club en argent et en mauvaise réputation. Des différentes sources que nous avons pu consulter sur le club des Rebels, nous pouvons remarquer une exigence de fidélité à l’égard du club.
C’est-à-dire qu’il est difficile d’y entrer, et l’admission du nouveau venu passe à la fois par un système de cooptation et d’épreuves censées éprouver la fidélité du motard, et il est quasi impossible d’en partir sans dommage, à la fois pour des raisons de réputation et pour des raisons de confidentialité quant aux différentes affaires criminelles dans lesquelles le club trempe régulièrement. De manière plus formelle, il est impératif d’être majeur et de posséder une moto de grosse cylindrée, de préférence américaine et de plus de mille centimètres cubes. Comme dans la plupart des clubs, les Rebels tolèrent difficilement l’admission d’une personne racisée.
Ce sont exclusivement des personnes blanches qui sont admises au sein du club. Cette forme de racisme est malheureusement très fréquente, voire trop fréquente dans les clubs de motards. De même, il n’y a pas de membres féminins au sein du groupe.
Les femmes ne sont pas admises en tant que membres à part entière. Autant elles peuvent accompagner, monter à l’arrière des bécanes lors des différentes virées et des manifestations, mais elles ne seront jamais admises au sein des réunions confidentielles. Peut-être que l’impulsion du mouvement Me Too en 2017 favorisera l’apparition de gangs de motardes, cela sera intéressant à voir, mais pour le moment cela n’est pas d’actualité.
Les Couleurs et le Code d’Honneur du Rebels MC
Nous le disions, intégrer un gang de motard va bien au-delà d’un simple chèque d’adhésion. Il s’agit véritablement de dédier la majeure partie de sa vie pour le club, ce qui implique des sacrifices professionnels et familiaux. En quelque sorte, il s’agirait presque de se trouver une nouvelle famille avec laquelle partager des valeurs communes. Cela passe par cette culture du secret que nous évoquions, mais également par l’adoption de tout un style vestimentaire qui rend reconnaissables les motards appartenant à un club. Le symbole le plus fort de cette culture est le fameux blouson de cuir que les bikers sont fiers de porter.
Au dos de ce kutte en cuir noir figure ce qu’on appelle le patch du club, c’est-à-dire un logo représentant des valeurs principales de celui-ci. Tous les clubs de motards, sans exception, possèdent un patch qu’ils défendent avec fierté, même si cela passe par la confrontation avec d’autres motards de clubs différents. Le patch des rebels représente un crâne, vu de profil, souriant et portant fièrement une casquette faisant référence au mouvement des Confédérés. Enfin se trouve le drapeau caractéristiques des Confédérés, avec deux diagonales bleues remplies d’étoiles blanches, le tout sur fond rouge.
Ce patch est intéressant parce qu’il permet d’ancrer le club dans une perspective historique. Rappelons qu’à l’origine le gang des Rebels s’appelait d’abord les Confédérés. Le motif du crâne est un motif récurrent dans l’imagerie culturelle des clubs de motard, cela n’est donc pas très étonnant. Toutefois, ce patch reste quand même très sobre par rapport à d’autres, bien plus spectaculaires. Les rebelles ne semblent pas posséder Ce qu’on appelle un motoo, c’est-à-dire une devise qui permet de résumer en une formule lapidaire les idéaux du club. Toutefois, on peut aussi considérer que le nom du gang est une forme de programme à part entière par rapport à d’autres groupements de motards. Être rebelle, c’est inscrire son action en opposition farouche avec les valeurs de la civilisation, c’est refuser de rentrer dans le troupeau.
Accusations criminelles et justice
Dès lors, il n’est pas étonnant que le parcours du club soit jalonné de tristes exploits judiciaires. Les chefs d’inculpation sont très récurrents, comme nous le verrons. Ils peuvent être toutefois divisés en deux grands motifs, à savoir la confrontation avec les autres clubs de motards pour des questions de territoire ou d’honneur bafoué ; et la recherche de financement à travers des actions illégales. Ainsi, en 2000, une perquisition simultanée dans différents chapitres australien du club a permis de confisquer plusieurs armes à feu, une certaine quantité de drogue et même un crocodile, animal domestique assez peu courant… Évidemment, plusieurs membres furent arrêtés pour possession illégale d’armes à feu. Dans le même registre, c’est pour le meurtre d’un membre de gang rival, celui des Bandidos, que deux membres des rebelles ont été arrêtés en 2018.
Le trafic de drogue semble être malheureusement une spécialité du gang, puisqu’un gigantesque coup de filet début 2019 permit de saisir de la méthamphétamine, de l’héroïne, de la cocaïne, mais aussi des armes à feu et des véhicules volés. Cela s’est soldé par l’arrestation de près de trente membres. Peu après, en mai 2009, un membre fut condamné de nouveau à dix ans de prison pour avoir vendu de la méthamphétamine qu’il produisait lui-même dans différents laboratoires secrets. Les membres du club étaient utilisés pour transporter la drogue et la vendre à peu près dans tous les Etats limitrophes.
Ce marché fut très lucratif, comme on peut s’en douter. Tout récemment, en septembre 2022, plusieurs associés ont été arrêtés pour possession et production de drogue comme de la méthylamphétamine et du cannabis. Des chefs d’accusation comme la possession illégale d’armes et d’explosifs sont venus peser dans leur dossier. Les agressions et les bagarres figurent également dans le passif des Rebels, en particulier avec le groupe des Rock Machine, avec lesquels la lutte pour les territoires se révèle farouche. Les conflits avec le club des Bandidos et des Hell’s Angels, sont devenus presque monnaie courante. En témoigne l’incendie d’un chapitre australien en avril 2007.
Nous constatons malheureusement que les motifs d’inculpation sont toujours à peu près les mêmes, à savoir production et trafic de drogue, attaque à main armée, meurtre sur des membres de gangs rivaux… Il est à espérer que les tensions s’apaisent au fil des années, bien que cela paraisse peu probable.
Conclusion
Ainsi, le gang des Rebels, bien que insulairement isolé, a parfaitement su se développer et s’étendre sur l’ensemble du globe. Il s’inscrit malheureusement dans la lignée des gangs de motards qui vivent illégalement et se font une fierté de braver les règles.
Cela les inclut sans discussion possible dans le célèbre club des 1 pourcents, c’est-à-dire les 1 pourcents de motards vivant illégalement par rapport aux 99 autres pourcents qui vivent dans la société sans poser problème.
Nous pouvons espérer, sans être trop candide, que les choses iront dans le bon sens et que les rassemblements autour de balades communes ne riment pas nécessairement avec violence.