Le phénomène de ce qu’on appelle les bikers ou les gangs de motard s’est développé dans la seconde moitié du vingtième siècle un petit peu partout dans le monde, surtout sous l’impulsion de clubs américains. Forts d’une mythologie commune, ces gangs possèdent de nombreux attributs communs : leur amour des grosses cylindrées, les virées entre amis, les soirées arrosées, si possible en bonne compagnie. Ces groupements sont très régulièrement surnommés les clubs des 1 %, référence à une expression de la police qui désigne ainsi les 1% des motards menant une vie en dehors des lois par opposition au 99 autres pour cent, qui eux sont des citoyens modèles.
À cet égard, les clubs se ressemblent beaucoup et prennent un malin plaisir à flirter avec les limites de la légalité, jusqu’à parfois les franchir et verser dans le crime organisé. Le club des Gunfighters représente une véritable exception, très curieuse et très louable dans cet univers de motard.
Sommaire
Origines du MC Gunfighters
Le club a été fondé en décembre 2005 par une petite communauté d’agents de la loi, généralement à la retraite. Anciens fonctionnaires ayant vécu en tant qu’actifs les terribles attentats du 11 septembre 2001, ils ont souhaité, en fondant ce club, créer une communauté éminemment pacifique au service des autres. Ainsi, le serment prêté lors de leur prise de fonction est toujours d’actualité, qu’ils soient ou non à la retraite, qu’ils soient ou non en civil.
À cet égard, on peut se dire que la démarche est un petit peu la même, que celle des clubs traditionnels, des gangs hors-la-loi qui font le serment de vivre en marge de la communauté et survivre grâce à des actions délictueuses. L’esprit est seulement diamétralement opposé. Le club des gunfighters est composé exclusivement d’agent issus des forces de l’ordre.
Un tel état d’esprit ne pouvait que séduire, si bien que le club a très vite connu le succès, à l’intérieur des États-Unis et dans le monde. Les Gunfighters possèdent actuellement des chapitres en Angleterre, en Australie, en Belgique, au Brésil, au Nigeria, au Canada, au Mali, en Espagne, en Écosse, en Somalie, au Madagascar, en Italie, en Suisse, au Luxembourg, en Allemagne, au Japon et en France.
Cela, à notre connaissance, est inédit, des pays africains par exemple n’étant pas très représentatifs des clubs de motard, qui sont très souvent fermés aux populations racisées. Notons également l’exemple du Luxembourg, petit pays qui malgré sa taille modeste possède son propre chapitre.
Dans l’Hexagone, il n’y a pas moins de vingt-quatre chapitres répartis de manière assez harmonieuse dans le Nord et le Sud du pays. Si l’on compare ce développement à un MC traditionnel et plus vieux, nous pouvons voir que son expansion est considérable ! Tout porte à croire que les valeurs pacifiques promues par les Gunfighters séduisent davantage les motards que l’embrigadement somme toute assez malsain qu’imposent les autres gangs à leurs membres.
Les spécificités du Club
Les lecteurs les plus familiers des sites portant sur les clubs de motard ne manquent pas d’être surpris face à cette présentation des Gunfighters. Les valeurs de tolérance, d’ouverture, de pacifisme ne sont pas monnaie courante dans cet univers souvent raciste, homophobe et sexiste, gangrené par le banditisme et les trafics en tout genre. Les Gunfighters, à côté, feraient presque office d’enfants de choeur.
Toutefois les choses ne sont pas toujours si simples car pour adhérer au club et devenir un Gunfighter, il faut appartenir à un corps des forces de l’ordre, qu’il s’agisse par exemple pour nous des douaniers, des gendarmes ou de la police. Les autres corps de métier ne sont pas admis en tant que Gunfighters, ils peuvent toutefois très bien devenir ce qu’on pourrait appeler des supporters du club et à cet égard participer aux différentes manifestations, actions caritatives et balades.
Ils sont autorisés à porter les couleurs des Gunfighters au même titre que les membres traditionnels. Ainsi, les femmes sont acceptées en tant que membres ou en tant que supportrices, les personnes racisées également. Nous sommes loin d’un univers sectaire et exclusif comme peuvent l’être les autres clubs de motard, beaucoup plus hostiles à tout ce qui ne leur ressemble pas.
L’une des autres conditions pour intégrer le club, en tant que membre et en tant que supporter, est de posséder une moto américaine, ou de conception américaine. Cela permet d’intégrer plusieurs marques et laisse donc une marge de tolérance. Le but des Gunfighters est de partager un bon moment entre amis, de partager une passion commune pour la moto et de diffuser des notions d’entraide et de fraternité. Ainsi, ils ne se revendiquent pas comme étant un club des 1 %.
Les Couleurs et le Code d’Honneur des Gunfighters MC
À la différence des autres clubs de motards, pour lesquels il est difficile de distinguer ce qui appartient à la légende de ce qui appartient aux faits, les gunfighters cultivent une véritable transparence et ne cherchent pas à occulter ce qui ne mérite pas de l’être. À l’instar de leurs homologues du groupe des 1 %, ils portent un manteau de cuir ou un gilet au dos duquel ils affichent leur logo. Le leur est particulièrement original, en ce qu’il joue avec les codes des logos habituels. Il représente un crâne vu de face, un crâne souriant portant un élégant chapeau melon. Ce personnage a même un petit nom, il s’appelle Léo, acronyme de « Law Enforcement Officer (représentant de la loi). Ce sourire de Léo fait office de sympathie et d’ouverture envers celui qui le regarde. Toutefois, ce squelette tient deux pistolets à six coups braqués sur le spectateur.
C’est un vieux revolver qui, bien que n’ayant plus cours aujourd’hui, symbolise les premières armes qu’utilisaient les représentants de la loi dans l’imaginaire américain, la figure du shérif étant évidemment convoquée. D’ailleurs, entre les deux mains tenant les armes, on distingue nettement une étoile entourée d’un cercle. L’hommage est ici évident et possède davantage une valeur de clin d’oeil, qu’une valeur de menace. Finalement, les Gunfighters se montrent toujours ouverts et souriants face à l’adversité. Au-dessus du logo figure le nom du club, les Gunfighters, les “tireurs”.
La traduction française du mot est quand même moins séduisante. En dessous du logo est inscrit le nom du chapitre d’origine du motard. Les couleurs de ce logo ne sont que noir et blanc, même si, comme le dit le site Internet officiel, « nous sommes tous bleus », le bleu symbolisant évidemment les forces de l’ordre. Le recours au noir et blanc est un hommage à la couleur des premiers véhicules de police. Les Gunfighters possèdent même ce qu’on pourrait appeler un credo, une sorte de prière ?
Nous ne la reproduirons pas intégralement, mais en citerons quelques extraits : « Je suis un homme qui risque sa vie pour des inconnus, Je suis un homme qui travaille dur pour défendre sa communauté. » Les références à l’imaginaire biblique sont assez évidentes, toutefois sans parler d’hostilité il y a quand même une sorte d’avertissement voilé un peu plus bas : « je ne veux pas me battre, mais je le ferai, et vous perdrez. Je suis juste, mais je suis dur. »
Si l’on veut filer la métaphore biblique, tout porte à croire, que les Gunfighters ne seront pas prêts à tendre la joue gauche en cas d’agression. Cela sonne presque comme un paradoxe, et il est étonnant que les Gunfighters ne subissent pas plus régulièrement de provocations venues de clubs se présentant comme rivaux.
Invités à de nombreuses manifestations, organisant beaucoup d’actions caritatives, les Gunfighters sont extrêmement présents et adoptent une stratégie de communication moderne, la page Facebook du chapitre français par exemple étant très régulièrement fournie, en plus d’être marquée par le sceau de la convivialité. Le dernier événement auquel ils ont participé était dans le cadre du mois d’Octobre Rose, pour soutenir la lutte contre le cancer.
Conclusion
Le club des Gunfighters offre une étonnante synthèse, pour le coup c’est lui qui représente le 1 % des 1 %. Ouvert, tolérant, promulguant des valeurs d’entraide et de solidarité, ce groupe de motards connaît un succès fulgurant à travers le monde, succès dont les autres clubs feraient bien de s’inspirer en revoyant leur philosophie.