Au cours du 20e siècle, les États-Unis ont été le berceau de nombreux gangs de motards. Parmi eux, les Highwaymen Motor Club sont parmi les plus célèbres. Ce club a été fondé en 1954 à Détroit, dans le Michigan. Il fait partie du groupe de ce qu’on appelle les 1 % c’est-à-dire, selon une célèbre expression de la police, les 1 % de motards hors-la-loi, par opposition au 99 % de motards qui sont considérés comme des citoyens modèles. L’appartenance à ce groupe de 1 % constitue une véritable fierté pour eux. Bien qu’existant depuis près de soixante-dix ans, le club est aujourd’hui plus virulent que jamais, et possède, nous le verrons, de nombreuses ramifications à travers les États-Unis.
Sommaire
Origines du MC Highwaymen
Il y a toujours une marge de confidentialité dès que l’on se penche avec un regard extérieur sur tous ces rassemblements et regroupements de motards.A cet égard, il est difficile de démêler l’authentique du fictif et de savoir ce qui s’est réellement passé ou non. Le gang des Highwaymen ne fait pas exception à cette règle: il est assez obscur de savoir dans quel contexte et par quels fondateurs ce club a été bâti. Un nom, celui d’un certain Elburn “Big Max” Barnes, semble une donnée fiable. En revanche, il est assez aisé d’expliquer, étant donné la géographie de l’État du Michigan, les raisons qui ont conditionné l’émergence de ce club. En effet, nous sommes typiquement dans ce que l’imaginaire a appelé les Interstate Highways, de longues routes généralement rectilignes qui traversent les différents états des USA. Traverser ainsi le continent en moto fait partie des activités les plus grisantes qui soient, cela explique sans nul doute pourquoi un certain nombre de motards, attirés par les longues virées, les soirées entre amis et la fréquentation des filles, ait voulu se rassembler.
Il y a également une raison pratique, les gangs de motards étant caractérisés également par une grande activité illégale, en particulier les trafics de stocks en tous genres. Or, l’État du Michigan est cerclé de lacs, appelés les grands lacs : le lac Supérieur à l’ouest, le lac Michigan à l’est, le lac Huron et le lac Érié au sud. Cela est fort bucolique pour de jolies balades, mais facilite également de nombreux échanges, d’autant que la côte atlantique n’est finalement pas si loin de Détroit. Il y a donc à la fois des origines sociales mais certainement des origines politiques qui expliquent l’apparition de ce club, et surtout son développement si fulgurant.
En effet, même si, pour les mêmes raisons que nous évoquions en début d’article, il est difficile de distinguer la mythologie de la réalité effective, les Highwaymen comportent énormément de chapitres, notamment en Alabama, dans l’Ohio, le Missouri, le Kentucky, le Tennessee, l’Indiana et la Floride. Ainsi, c’est dans la plupart des pays de la côte est que les highways semblent bien implantés.
Les spécificités du club
En se penchant sur les spécificités du club des Highwaymen, de nombreux faits se dégagent assez rapidement, faits qui semblent presque paradoxaux. En effet, nous savons que ces rassemblements sont gangrenés par la violence, le banditisme, les trafics en tout genre. Or, les Highwaymen ont à cœur de montrer une image lisse, ainsi que leur loyauté sans faille. L’un des faits les plus saillants, toutefois, est le fait que les femmes ne sont pas admises au sein du club. Elles sont, mettons, tolérées dans les rassemblements, elles peuvent prendre place à l’arrière des motos mais elles ne constituent pas des membres à part entière. Cette misogynie est assez récurrente dans le monde des clubs de motards. En revanche, fait assez rare, les Highwaymen acceptent tout le monde, les personnes de couleur également. Dans un univers où ce qu’on appelle la race blanche est souvent considérée comme étant la race supérieure, les Highwaymen acceptent tout nouveau membre: personnes aisées ou personnes pauvres, motard racisé ou non. Cela est un fait assez rare dans un univers majoritairement blanc et assez riche, même si cette richesse a des origines assez douteuses et probablement illégales.
Une autre bien triste spécificité repose également sur les nombreux griefs qui opposent le club des Highwaymen à toute forme d’autorité. Ils ont par exemple été bannis du Détroit Fédération of Motorcycle Club, créé dans les années 70 dans le but d’apaiser les nombreuses tensions héritées des guerres des gangs. De même, ils ont été sanctionnés à de nombreuses reprises par des associations en raison de leur comportement violent.
Enfin, les très nombreuses rivalités entre Gang constituent l’apanage des Highwaymen. Deux clubs en particulier sont considérés comme leurs grands rivaux : le club des Outlaws et le club des Chosen Fewq. Les différends entre ces clubs ont très souvent dégénéré.
Les couleurs et le code d’honneur des Highwaymen
Il y a tout un folklore entourant les clubs de motard, qu’ils soient américains ou européens. Dans ce folklore se retrouvent quand même des éléments communs : les grosses cylindrées anglaises ou américaines, le fait de se rassembler pour de longues virées communes, le banditisme à plusieurs niveaux, et le port de casques et de gilets à l’effigie de leur club. Les Highwaymen ne dérogent pas à cette règle et arborent un logo qui n’a, finalement, que très peu évolué depuis la fondation du club. Ce logo est un bon exemple de ce dont nous parlions précédemment, à savoir le souhait de montrer une image presque lisse des Highwaymen. Un crâne, hérité sans doute de l’imaginaire de la Waffen SS et que l’on retrouve sur d’autres logos de gangs de motards, notamment les Blue Angels, nous regarde de face. Négligemment posée, une casquette. On distingue également ce qui semble être un col de blouson en cuir, le tout étant empreint d’une certaine élégance. Enfin, ce crâne est entouré de deux grandes ailes, référence au symbole de l’ange, récurrent lui aussi dans l’imaginaire des motards. Le logo est argenté, par opposition aux couleurs assez vives qui caractérisent les logos des gangs rivaux. Tout cela dénote le désir, avec ce dessin somme toute assez travaillé, de se démarquer, de ne pas se faire voir comme étant un club violent et désireux de se montrer en spectacle. On pourrait presque parler d’une forme de sobriété. Au-dessus du dessin, le nom du chapitre est clairement écrit, en dessous le sigle Highwaymen motorcycle est apparent, écrit avec de plus gros caractères.
Dans le même esprit, les Highwaymen ont à cœur de dégager une image positive. Les nombreuses actions caritatives qu’ils proposent permettent de se faire accepter par une population souvent hostile à leurs activités illégales, et redore le blason du club. Ainsi, l’aide aux personnes âgées ou des événements invitant le grand public à les rencontrer sont assez fréquents. Ils proposent même parfois de venir en aide aux victimes de vol ou de cambriolage, mais à leur façon…
La plupart des gangs possèdent un slogan, une formule de ralliement qui leur permet d’illustrer l’esprit du groupe. Les Highwaymen ne font pas exception à cette règle, leur slogan est éloquent à cet égard : »Yeah, though we ride the highways in the shadow of death, we fear no evil, as we are the evilest ‘mother fuckers’ on the Highway”. La référence au livre des Psaumes, tiré de la Bible, est évidente: “Even though I walk through the valley of the shadow of death, I fear no evil, for You are with me; Your rod and Your staff, they comfort me”. (Livre des Psaumes, 23, 4-5: “Tandis que je chemine à travers la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal. Tant que Tu es à mes côtés: Ta baguette et Ton bâton me rassurent.”). Seulement, la phrase biblique est clairement détournée de sorte que le croyant n’est plus accompagné de Dieu dans la fameuse vallée de la mort mais par « les pires salopards des routes ». Cette référence biblique, bien qu’elle constitue un motif dans l’imaginaire américain, souligne bien le désir un peu paradoxal d’allier une image propre à un imaginaire beaucoup moins reluisant.
Chose peu étonnante, la loyauté est quelque chose d’extrêmement important pour eux. Ainsi, l’intégralité des membres est requise aux réunions du club, cela est très important, au point que les absents risquent d’être expulsés du club. Ces réunions, qui ressemblent assez à celles de nos clubs, ont pour objectif de voter les résolutions les plus importantes. Cela leur permet aussi d’organiser les futures sorties et les activités prévues. Le club comporte également quelques célébrités, en particulier celui qui fut appelé l’homme Marlboro, James Blake Miller, militaire américain célèbre pour avoir été photographié en Iraq, cigarette à la bouche.
Associations criminelles et justice
Évidemment, les démêlés entre le club et la justice sont extrêmement nombreux. Comme nous l’évoquions plus haut, se pose également le problème de l’authenticité des faits, de l’écart résidant constamment entre ce qui est rapporté par les médias et par les autorités; et ce qui se passe réellement sur le terrain. Il semble bien que ce que nous en avons ne soit qu’une partie émergée de l’iceberg des méfaits commis par le gang. Quelques faits importants sont toutefois à souligner au sein de cette longue liste.
En mai 2017, le FBI a arrêté quarante membres et associés du chapitre de Détroit pour des faits accablants, entre autres du racket, des assassinats, des attaques, des tentatives de corruption, du trafic de cocaïne, des vols de véhicule, et des fraudes à l’assurance. De nombreuses armes à feu, dont des fusils d’assaut, des pistolets et autres armes de poing furent également retrouvés lorsque le FBI a perquisitionné les domicile des différents membres inculpés. Cette enquête a duré plus de deux ans.
Peut également être cité le cas de Léonard « Papa » Moore, principal dirigeant d’un chapitre du Michigan, chapitre particulièrement prolifique puisqu’il comptait plus d’une centaine de membres. Léonard a été condamné à la prison à perpétuité, peine réduite finalement à vingt ans de réclusion. Suite à des problèmes de santé, Moore a été libéré et placé en libération conditionnelle. Il n’est toutefois pas autorisé à sortir de chez lui, étant, selon le procureur de Détroit, « un individu exceptionnellement dangereux. »
Un autre membre peu fréquentable du club, Aref « Scarface » Nagi, a, de même, été récemment libéré. Il avait été condamné en 2011 à trente-sept ans de prison, sentence réduite à vingt ans, seulement les problèmes de santé du détenu ont précipité sa libération. Libération conditionnelle, évidemment.
Tous ces faits, pour spectaculaires qu’ils soient, ne sont guère étonnants dans un monde à la marge de notre univers traditionnel. Être membre d’un club aussi fermé et aussi sélectif que celui des Highwaymen implique toute une série de règles, de codes à respecter, en particulier lors de l’intronisation du nouveau membre. Ce bizutage passe bien souvent par la réalisation d’actes illégaux : cambriolage, attaque, bagarre, vol à main armé…de telle sorte que les gangs ont souvent maille à partir avec la justice.
Conclusion
Toute curiosité malsaine mise à part, la découverte et la connaissance d’un gang tel que les Highwaymen est particulièrement intéressante d’un point de vue sociologique et symbolique. Peu de gangs arrivent à conjuguer à un tel degré des actes délictueux et violents; et en même temps une conscience très nette de ce qui est bon ou non. Désireux d’offrir au monde une image beaucoup moins dégradante que les autres gangs, les Highwaymen ont ainsi fondé toute une mythologie et toute une série de représentations particulièrement fascinantes.