Au début du XXème siècle, à Milwaukee, plus grande ville de l’état du Wisconsin, Bill Harley et les trois frères Davidson, Arthur, William et Walter, inventent un moyen de transport individuel et bon marché. La motocyclette est née.
Sommaire
Les spécificités de la Harley Davidson
Aujourd’hui, la HD est personnalisée : qu’il s’agisse de peintures ou d’accessoires, chaque motard souhaite que sa moto soit unique.
La Harley a un côté quasiment animal qui est dû à son moteur, le V-twin ou moteur bicylindre en V. Celui-ci émet un bruit très puissant et des vibrations qui résonnent profondément chez le conducteur. Chaque pays peut se targuer d’avoir des moteurs différents qui les caractérisent. Les motos anglaises (Triumph, BSA…) ont un moteur à cylindres verticaux quand les allemandes (BMW…) ont un cylindre à plat. Le V-twin est donc une particularité américaine. D’un point de vue technique, c’est une réussite totale : il s’imbrique parfaitement dans le cadre sans prendre trop de place. De plus, il est très puissant. Le V-twin touche les passionnés de moto alternative à un niveau presque primaire car chacun lui associe une signification propre : le V de la victoire par exemple.
La motocyclette, fer de lance de l’économie américaine
La moto, trois fois moins chère qu’une voiture, est également beaucoup plus pratique. Avec elle, on accède à tous les chemins, pas besoin de route. Les commerçants l’utilisent pour des livraisons plus rapides et efficaces. Des personnes célibataires ou des jeunes en quête de sensations fortes s’y intéressent également.
Ainsi, en 1910, il y a environ 86 000 motocyclettes aux États-Unis. C’est à cette époque que la firme perd le monopole dans le domaine. Pour ne pas se faire dépasser par la concurrence, Arthur Davidson crée le premier réseau de vente couvrant tout le pays. Son frère William gère la fabrication et fait construire de nombreuses usines, qui fonctionnent grâce à une main d’œuvre immigrée dense et bon marché.
Bill Harley, quant à lui, est le technicien et le stratège de la firme. Il lui vient d’ailleurs une idée qui donnera à la Harley un prestige conséquent. Pour prouver que ses motos sont les meilleures, il organise des courses. D’ailleurs, en 1908, Walter Davidson, président de l’entreprise, participe à une course d’endurance de deux jours. Beaucoup de ses concurrents abandonnent dès le premier jour. Il termine premier, sur le Silent Grey Fellow, un modèle de série. Dès lors, les Harley sont de toutes les compétitions, qu’il s’agisse de courses sur route, sur piste ou hors piste, de rallyes en plein désert, de cross country ou encore d’ascensions sans filets.
L’émergence d’une concurrence plus sérieuse
Au début du XXème siècle, la marque de motocyclettes Indian est créée. Pendant plus de cinquante ans, la concurrence est véritablement ardente entre les deux entreprises. Elles se disputent la première place en matière de ventes et sur toutes les courses.
Indian est une vraie menace pour Harley car elle est également dotée du moteur V-twin.
Mais la star des années vingt, c’est la Brough Superior, moto anglaise, qualifiée de « Rolls-Royce de la moto ». Capable d’atteindre les 160 Km/h, elle est la favorite de Lawrence d’Arabie, officier et écrivain britannique, qui succombera des suites d’un accident survenu au volant de l’une d’elles.
La Première guerre mondiale (1914-1918) sera l’occasion pour la Harley de se distinguer. La firme conçoit des motos qui sont envoyées sur le front. Leur grande vitesse permet aux militaires de porter rapidement des messages entre le quartier général et le front.
Suite au conflit, l’entreprise sort son premier modèle doté d’un moteur 200 cm3, gros et puissant. Malheureusement, cette innovation ne remporte pas le succès escompté car, au même moment, Henry Ford invente la production à la chaîne. Les voitures qu’il met en vente coûtent le même prix qu’une moto. Pour les familles, elles sont bien plus pratiques.
Le vent semble tourner pour l’industrie de la moto.
La recherche de nouveaux débouchés
Les motos n’ont plus le vent en poupe. HD trouve donc de nouveaux débouchés pour ne pas sombrer. Ses véhicules sont affectés aux services postaux mais aussi aux agents de police. C’est la période de la Prohibition aux États-Unis : la production et la vente d’alcool sont interdites. Les contrebandiers d’alcool, appelés bootleggers, circulent fréquemment en moto, pour pouvoir faire leurs livraisons rapidement et discrètement. Les forces de l’ordre se dotent alors de harley, pour contrer cette nouvelle forme de criminalité. C’est le début des courses-poursuites, un thème qui inspirera bon nombre d’œuvres cinématographiques.
En parallèle, les vétérans de la Grande guerre créent un MC club motard, ce qui signifie « motorcycle club » en anglais et se traduit par « moto club » en français.
L’ouverture vers l’international
En 1929, la crise économique, qualifiée de « grande récession » frappe le monde de plein fouet. Les États-Unis sont particulièrement affectés. Plus d’un tiers de leur population est au chômage. Les ménages perdent une grande partie de leur pouvoir d’achat et décident donc de se concentrer sur les produits essentiels à leur survie. De ce fait, plus personne n’a les moyens d’acheter de l’essence. L’industrie de la moto est à l’agonie. C’est l’époque de la moto « Flathead ».
Seules les firmes Harley et Indian survivent à cette désastreuse conjoncture.
La première subsiste en se tournant vers l’étranger : elle exporte ses modèles sur tous les continents. Les prémices de la mondialisation et l’essor des moyens de transport permettent à ses véhicules de s’imposer dans de très nombreux pays du globe. La ferveur Harley se propage. Pour illustration, la sulfureuse chanteuse et actrice française Brigitte Bardot lui rend hommage en chanson.
Si l’export est une réussite de partout, le succès est particulièrement intense au Japon. En effet, en 1923, un terrible tremblement de terre met hors service la quasi-totalité du réseau routier du pays. La moto devient donc le seul moyen de transport capable de concurrencer la voiture. C’est d’ailleurs au pays du Soleil Levant que la firme exporte sa première usine en 1929. Les japonais fabriquent leurs propres motos alternatives, des modèles de 1200 cm3, sous le nom de Rikuo Motorcycle.
Les années 1930 à 1940 : un nouvel essor pour la Harley
Au milieu des années 1930, les motos se transforment pour le combat. C’est l’ère du moteur « knucklehead », de l’anglais « knuckle », phalange, car sa forme rappelle celle de la deuxième phalange d’un poing serré. Ce moteur est l’ancêtre de tous les moteurs Harley actuels. C’est le premier bicylindre à soupapes en tête.
Il est dévoilé au public en 1936, au moment même où l’Amérique sort de la crise économique. Ces circonstances favorables permettent à l’entreprise d’entrer de nouveau dans la lumière. Parallèlement, le rallye moto fait son grand retour.
Des vedettes hollywoodiennes comme l’acteur Clark Gable roulent en Harley. L’industrie du cinéma exploite cet engouement pour la moto alternative et elles sont utilisées dans plusieurs films, pour réaliser des cascades ou bien à des fins comiques.
En 1942, les États-Unis entrent en guerre. Comme en 1914, la firme y participe en vendant à l’armée des motocyclettes produites en série et modifiées à des fins militaires. Ces dernières sont utilisées pour accomplir toutes sortes de missions : maintien de l’ordre, reconnaissance, communication ou encore ravitaillement.
En 1943, un escadron de motardes est constitué pour acheminer des messages urgents et La firme Harley Davidson sort de la guerre plus puissante que jamais. Son principal concurrent, Indian, fait faillite car il a vendu toute sa production à l’armée.
Ensuite, l’année 1948 voit la création du modèle « Panhead », une moto que l’on peut customiser selon son goût. La « Panhead Chopper » voit le jour. « Chopper » vient du terme anglais « taillée » car les G.I’s revenus de la guerre les taillent à la hache pour qu’elles soient plus légères. Ils enlèvent tous les accessoires qu’ils estiment superflus, comme les phares. L’objectif est d’être toujours plus rapide.
Le biker voyou : l’origine de la mauvaise réputation des motards
Un incident survenu en juillet 1947 vient bouleverser le monde de la moto. Dans le ville d’Hollister, en Californie, un rallye moto dégénère. Un gang motard composés de vétérans de 39-45 sème la pagaille dans les rues. Ils dévastent un saloon. La population est terrorisée. Il n’en faudra pas davantage pour qu’une nouvelle étiquette soit collée aux motards : celle de voyous.
L’industrie du film se saisit de cette image pour réaliser de nombreux longs métrages. En 1953, « L’équipée sauvage », film de László Benedek, dresse le portrait de ces nouveaux rebelles en blouson cuir. Marlon Brando joue le rôle d’un jeune homme membre d’un gang motard, révolté contre une société conservatrice. C’est à cette époque que l’on commence à employer les termes de « délinquance juvénile » et de « conflit des générations ». Le motard est vu comme un anticonformiste qui défie la loi et l’ordre établi.
Le Chopper est le symbole de cette révolte. Les vieilles harley sont évincées. Certains mécaniciens vont jusqu’à refuser de réparer ces modèles, pour ne pas être confrontés à ces délinquants dont tout le monde se méfie. Cette image négative nuit à la firme.
L’arrivée sur le marché de concurrents étrangers dans les années 1960
Le film « La grande évasion » de John Sturges met en scène un motard attachant, interprété par Steve McQueen. De nouveau, l’Amérique a envie de faire de la moto.
Ainsi, les années 1960 sont la scène d’une hausse impressionnante des ventes. Malheureusement, la Harley n’en profite pas. Ce sont les fabricants étrangers, surtout BSA et Honda qui en bénéficient. Ils proposent des véhicules plus sportifs et moins chers.
De plus, l’image négative de la Harley continue de lui coller à la peau : elle est vieux jeu et le Chopper fait mauvais genre.
Ce sont les motos cross et les petits modèles que les parents offrent à leurs enfants qui séduisent les consommateurs. La firme connaît son pire marasme depuis 1929.
Un parcours chaotique dans les années 1970
A la fin des années 1960, c’est la grande époque du rock’n roll. Harley sort le modèle « Shovelhead » en 1966. Les motos sont partout. En Amérique, la guerre du Vietnam (1963 – 1975) déchire le pays. La jeune génération se veut en grande partie pacifiste, antiraciste et demande la libération des mœurs, notamment sexuelle.
La firme profite de ce mouvement pour se remettre sur pied. En 1969, le film « Easy Rider » célèbre la Harley en racontant le voyage à travers les États-Unis d’un groupe de jeunes en quête de valeurs nouvelles. Le biker n’est plus le rebelle sans cause : il devient un fils de l’Amérique à la recherche de son identité et de celle de son pays.
Les motards sont les nouveaux cowboys en blouson cuir. Ils sont partout, notamment dans des séries télévisées, qui souhaitent expliquer ce phénomène au grand public.
Mais ce début de renouveau est stoppé net par une dizaine d’années chaotiques. En 1969, Harley est rachetée par AMF, ce qui la sauve de la faillite. Dans le même temps, le Japon revient en force sur le marché, ce qui fait qu’en 1979, elle n’a plus que 4 % du marché américain. Beaucoup pensent qu’elle va mettre la clé sous la porte.
Le renouveau des années 1980
Il faut attendre les années 1980 pour que la population cesse d’assimiler systématiquement motard à voyou. Le phénomène Harley fait son grand retour. En effet, en 1981, le groupe de cadres dirigeant la firme la rachètent à AMF.
Leur objectif est de modifier radicalement la conception des modèles. Non seulement ils mettent en avant l’innovation technique mais ils s’attachent également à s’investir au niveau humain. Ainsi, une solidarité émerge entre les patrons et les ouvriers. De même, les relations publiques sont mises en avant. Willie Davidson est le designer des motos. Il se rend à tous les rallyes pour discuter avec les motards, connaître leur ressenti et leurs attentes.
Grace à ces entretiens, il conçoit le moteur « Evolution » en 1984. Ce dernier concilie savamment tradition et technologie moderne. A partir de cet instant, la firme connaît un essor international sans précédent. Le phénomène Harley devient une forme de fraternité qui réunit des personnes de tous âges et de tous milieux. C’est un gigantesque « MC club motard ». La Harley Davidson est ainsi devenue le symbole d’un amour sans bornes pour la liberté.