C’est au cours de la seconde moitié du 20e siècle que les clubs de motards firent leur apparition. L’émergence de ces regroupements s’explique de différentes façons : le désir d’une rupture vis-à-vis de l’ordre établi, un sentiment de révolte suite aux deux guerres mondiales ayant décimé la jeunesse, la démocratisation des motos, offrant à la fois un moyen de déplacement pratique et une occasion de se réunir pour de grandes balades… le fait est que, à travers le monde, de nombreux clubs de motards firent leur apparition. Même si les grandes lignes restent les mêmes, il y a énormément de différences et d’oppositions entre eux. Ainsi, appartenir à un regroupement ne correspond pas nécessairement à une attitude de défi par rapport à l’autorité ou à un désir d’enfreindre les règles. Au contraire, plusieurs clubs célèbres et populaires mettent un point d’honneur à placer la solidarité et l’entraide comme valeurs essentielles. c’est certainement ce qui réunit les Bikers abordés ici, à savoir les Bikers de l’armée.
Sommaire
Pourquoi des Bikers de l’armée ?
A priori, parler de Bikers de l’armée peut paraître étrange. En effet, les clubs de motards les plus célèbres revendiquent une vie à la marge, une vie en rupture avec les codes habituels de la société : il s’agit de clamer une forme de révolte face à une conception de la vie perçue comme trop classique et trop monotone. Cette vie au sein d’un gang de motards implique également une vie de hors-la-loi : banditisme, trafics en tous genres, violence, attaques à main armée… Le quotidien des membres de clubs n’est pas de tout repos, et surtout qu’une farouche rivalité entre les clubs fait de nombreuses victimes au sein des rangs.
Dans cet univers violent et à la marge, il peut paraître étonnant que d’anciens militaires trouvent leur place. En effet, le respect dû à la loi, à l’État et à la vie en collectivité caractérise les membres de l’armée. Elle peut se demander alors les raisons qui ont motivé l’émergence de ces clubs, aux antipodes de leurs homologues du civil.
La plupart des membres des différents regroupements issus de l’armée sont des anciens militaires, qui ont eu l’occasion de passer leur permis moto durant cette période militaire. Une fois parti de l’armée, la première chose qu’ils ont faite a souvent été de se procurer une moto et de parcourir les routes à leur guise. De plus, dans un mouvement de balancier assez logique, un désir de liberté est sûrement ce qui doit inspirer le plus un militaire sortant des rangs de l’armée, avec l’envie de retrouver ses pairs. Nous supposons que les anciens soldats, et cela se confirme en lisant les états de service des différents membres des clubs, ont énormément voyagé durant leur carrière. Y a-t-il un objet du quotidien symbolisant davantage l’évasion que la moto ?
Ces différentes raisons peuvent expliquer selon nous l’émergence de ces clubs. Les anciens soldats, qu’ils aient servi dans l’armée de terre, de mer ou de l’air, éprouvent le besoin de se rassembler, d’évoquer leurs expériences communes avec le sentiment très fort qu’il n’y a qu’eux qui puissent se comprendre, et de monter des actions positives. C’est ainsi que plusieurs clubs de bikers issus de l’armée ont vu le jour, en particulier depuis les années 60.
Les différents clubs de l’armée
Il n’est pas lieu ici de se livrer une présentation exhaustive de tous les clubs de bikers existant sur le territoire, nous présenterons ceux qui nous paraissent les plus importants, ainsi que les valeurs qu’ils véhiculent. Il est à noter que contrairement au club de motards du civil, aucune animosité, aucune rivalité ne semble animer ces différents clubs, qui cohabitent de manière pacifique. Cela peut également poser la question du rassemblement de ces clubs. Dans la mesure où ils semblent promouvoir des valeurs communes, on pourrait se demander pourquoi ils ne décident pas de se réunir en un seul et même club. Cela s’est déjà vu au sein des club de motard, par exemple les Gunfigthers américains accepter comme membre des leurs leurs homonymes français. Cela permet un rapprochement culturel et politique intéressant.
Les Vétérans MC
Les vétérans MC constituent certainement ce qui se rapproche le plus d’un club de motards traditionnels. En effet, le club rayonne dans différents pays sous un même blason. Ils sont réunis dans différents chapitres répartis en Angleterre, au Canada, au Pays-Bas, Belgique, en France, en Norvège et en Italie. En ce qui concerne la France, les vétérans possèdent cinq chapitres sous des noms des anglo-saxons : North Crew (région parisienne), West Crew (région Nord-Ouest), Green Forest (région Sud-Ouest), No crew (île de la Réunion) et East Crew (non identifié, certainement le Nord-est). Chacun de ces chapitres possède un groupe Facebook qui permet à tout un chacun de pouvoir les contacter. Les vétérans réunissent des militaires ayant servi dans l’armée, sont refusés les anciens membres des forces de l’ordre ( la gendarmerie, la police ou la douane ou les gardiens de prisons par exemple), ainsi que toute personne n’ayant pas servi au minimum trois ans dans l’armée française.
Le logo des vétérans France représente un crâne vu de face. Ce crâne porte un béret sur la partie gauche et ce qui ressemble à un casque à pointe sur la partie droite. Le béret est floqué d’un écusson de l’armée française. Derrière ce crâne, deux couteaux sont visibles, ces couteaux se croisent de telle sorte que l’on aperçoit de part et d’autre les poignées et les lames. Cette imagerie est assez traditionnelle au sein des club de motards, le motif du crâne etant récurrent.
Ce club est celui qui nous paraît le plus vaste et le mieux organisé selon une structure rappelant à la fois celle des clubs civils et une organisation militaire. Il n’est pas fait mention de faits d’armes ou d’hostilité entre différents regroupements. Toutefois, les actions ne sont pas recensées, comme cela peut-être le cas pour leurs homologues.
Les French Army Vets
Le club des French Army Vets, fondé en 2008, ne se présente pas comme un club, mais comme une association. Cette dénomination montre bien le désir de se diffuser de manière officielle, et non clandestine, comme cela est souvent le cas dans les clubs traditionnels. Cette association est française et n’a pas le rayonnement que peuvent avoir les Vétérans. Toutefois, ils ne possèdent pas moins de six chapitres répartis sur l’hexagone : Bretagne, Occitanie, Nord-Est, Sud-Ouest, Sud et Sud-Est. Tous ces chapitres sont également joignables via leur groupe Facebook. L’intégration aux réseaux sociaux ( les French Army Vets disposent de Facebook, d’Instagram et possèdent également une chaîne Youtube) montre encore ce désir de se diffuser d’une manière officielle. En effet, bien que les gangs de motards commencent à se mettre aux réseaux, il est rare qu’il possède autant de comptes. Cela s’explique aisément par le fait que la plupart de leurs actions sont illégales, il est donc hors de question de les diffuser de manière si ouverte.
Les French Army Vets ont pour objectif, à travers différentes actions caritatives, de soutenir les militaires, Ils sont ainsi fiers de présenter les manifestations qu’ils ont organisés ou auxquelles ils ont participé. Leur logo représente également un crâne vu de face, portant un béret symbolisant l’armée de terre. Derrière se laissent voir deux ancres croisées symbolisant l’armée de mer. Enfin, deux ailes typiques de l’imagerie de l’Armée de l’Air sont disposées. Ainsi, les trois grands corps d’armée sont représentés au sein d’un même blason. Pour intégrer le club des French Army Vets, les conditions sont à peu près les mêmes que pour les vétérans. En effet, il faut avoir servi trois ans sous les drapeaux, posséder une moto d’une cylindrée supérieure à 500 cm3. Le contact se fait tout d’abord vient le groupe Facebook du chapitre, puis par une rencontre au cours d’un rassemblement. Un formulaire de contact est également disponible sur leur site.
Les Brothers in Arms
Créés en 2009, les Brothers in Arms se présentent également comme une association, qui ne possède pas toutefois la même structure et la même ampleur que les deux autres clubs. En effet, il n’y a pas de chapitre qui soit clairement identifié, les motards étant, à en croire le site, répartis “sur les quatre coins de l’hexagone”. Nous pouvons supposer que des rassemblements sont régulièrement organisés. Fondés par trois anciens soldats, Les Brothers in Arms expriment clairement leur désir de soutenir l’armée, et de se rendre utile par le biais de différentes actions. Ils ne possèdent pas de blason officiel, et donc ne le montrent pas comme le font les autres clubs. Toutefois, plusieurs motifs sont visibles à travers les différents objets mis en vente: ils ont en commun une certaine sobriété, reconnaissable par l’emploi du noir et blanc. L’association possède une devise : “Pro Patria”, locution latine signifiant “pour la patrie.”
Enfin, ce club met l’accent sur le fait que tous les corps d’armée sont acceptés, qu’il s’agisse de l’armée de terre, de mer ou de l’air. L’adhésion se fait également à l’issue de rencontres lors de manifestations, le site insiste sur la dimension humaine et relationnelle, au-delà d’une simple adhésion administrative à une association classique.
D’autres clubs
Ces trois clubs, ou associations, ne sont pas les seuls à réunir d’anciens militaires amateurs de motos. Toutefois, ils sont les plus importants. D’autres clubs officient également, de manière plus confidentielle et ils sont généralement affiliés à d’autres regroupements plus vastes. Nous pouvons citer parmi ces différentes branches possédant le même esprit les motards du Sentinel MC, les anciens marins de l’entraide marine ADOSM ou les membres du Squad West, qui supportent les Vétérans MC… Tous ces clubs plus discrets, certainement moins organisés possèdent les caractéristiques communes que nous avons vu précédemment, à savoir le désir de soutenir l’armée française, le besoin de n’intégrer que des militaires ou d’anciens militaires et un profond pacifisme. Il ne s’agit pas de se battre mais de s’entraider.
Des valeurs communes
Sans être pour autant repliées sur eux, ces clubs ou associations s’adressent exclusivement à un public de militaires ou d’anciens militaires, excluant ainsi une très grande majorité des motards traditionnels. Peut-être cette exclusivité pourrait-elle être perçue comme une forme de sectarisme, d’autant que les actions de ces clubs, bien que fort louables dans un univers de gangs de motards souvent gangrené par le banditisme, semblent quand même exclusivement réservées à l’adresse des familles de militaire ou en soutien aux armées.
Quelque part, subsiste un point commun entre ces clubs et les plus traditionnels de par une certaine vision de l’ordre, une structure très hiérarchisée et un sentiment d’appartenance au groupe qui paraît essentiel. Un motard du club évolue rarement seul. Sa vie, à différents degrés, reste très marquée par l’appartenance à un ensemble plus vaste, qu’il s’agisse de l’armée ou du groupe auquel il a adhéré.
Toutefois, même si ce besoin de rester entre soi peut paraître dommageable, les actions du groupe et les valeurs promulguées sont néanmoins des valeurs profondément pacifiques et positives.
Conclusion
L’univers des bikers est un univers très intéressant à étudier, en ce qu’il regroupe une très grande diversité de modèles structurels, de diffusion à travers un territoire, un continent voire même le monde entier, et les valeurs qui sont défendues. Des clubs complètement hors-la-loi jusqu’à ceux qui revendiquent une structure en association et une déclaration auprès des services de l’État, on ne peut que difficilement parler d’une même dénomination. Le seul point commun finalement, entre toutes ces structures, est l’amour de la moto. Ainsi, les Bikers de l’armée représentent une part importante de ce qu’on pourrait appeler des riders positifs c’est-à-dire promouvant une entraide, une solidarité et un grand pacifisme.