Depuis déja un certain temps que l’on voit fleurir sur internet et dans les magazines les expressions cuir bio, cuir écologique ou cuir végétal, mais ils sont bien souvent employés par les services marketing et autres départements com’ (ceux-là même qui fabriquent des dossiers de presse) et qui surfent sans trop se poser de question sur la vague Bio.
Autant le dire simplement : ces intervenant maîtrisent peu, voir pas le sujet et plus grave encore, ils entretiennent une certaine confusion dans ce secteur et dans la tête de celles et ceux qui cherchent à se faire plaisir avec un beau cuir.
La marque Zolki branche maroquinerie artisanale travaille tous les jours avec le cuir. Nous concevons une gamme de porte feuille biker et des accessoires moto en cuir vieilli et sommes donc en contact, avec ceux qui fabriquent le cuir et le vendent. Et à chaque étape de notre activité nous essayons de concilier développement économique et éthique écologique.
Voici donc quelques clés pour lutter contre le « Greenwashing ».
Le « cuir végétal » c’est du tofu ?
Une définition pour commencer la discussion : le tannage du cuir, c’est un ensemble d’opérations qui visent à le rendre imputrescible. Cela est possible de différentes manières notamment celle qui consiste à saturer le cuir avec des tanins et qui a donné le mot tannage. Même si aujourd’hui nous employons aussi d’autres substances que les tanins le terme est resté pour désigner l’ensemble des opérations.
Les tanins sont des substances d’origines organiques que l’on trouve dans la plupart des végétaux (sèves, feuilles écorces) en concentrations diverses. Dans la nature, ils ont une fonction de protection contre les parasites. Chaque tanin ayant des propriétés chimiques particulières et des effets sur le cuir différents on a recourt à certaines espèces végétales plutôt qu’à d’autres.
Selon le résultat que l’on souhaite obtenir en termes de souplesse ou de couleur on tannera le cuir avec des extraits :
*de chêne (dont on fait les tonneaux pour stocker le vin)
*de châtaigner (qui est réputé imputrescible et qui est de ce fait est utilisé pour la couverture des maisons)
*d’acacia
*de mimosa
*de quebracho (plus exotique)
*de rhubarbe
Parmi ces exemples : on choisira l’écorce la feuille ou la racine, là où ces tanins sont le plus concentrés.
En somme le cuir végétal cela n’existe pas. Le cuir c’est par définition : une peau animale qui a été tannée. Ce qui est végétal c’est le type de tannage par opposition au tannage dit « minéral » exposé ci-dessous.
Le cuir écologique : un autre cuir est possible !
Le tannage à partir d’extraits végétaux le tannage végétal qui consiste en gros à enfouir les peaux et les tanins dans une fosse pendant un à deux mois était le moyen utilisé autrefois avant que la modernité n’impose de nouvelles cadences !
Merveille de la chimie, l’industrie a donc développé un tannage dit «minéral » où les tanins sont remplacés par des sels de chrome (ou d’aluminium) qui a réduit le temps de tannage à seulement quelques jours. Cela s’est révélé tellement efficace qu’aujourd’hui 85% des peaux tannées dans le monde le sont au chrome (1).
Mais ce que l’on gagne en productivité et en rentabilité on le perd en qualité de vie et certains diront en qualité de produit.
Le tannage végétal est certes lent et gourmand en eau mais comparé au tannage au chrome il est bien moins nocif pour l’environnement. En effet, en fin de processus il faut traiter les bains qui ont servi au tannage :
Dans le cas du tannage végétal, il reste des boues pleines d’eau et de tanins autant de substances naturelles parfaitement biodégradables.
Dans le cas du tannage au chrome, il reste des boues fortement concentrées en sels de chrome (qui est un métal lourd) dangereuses si elles venaient à se répandre dans l’environnement. Il faut donc les « neutraliser » chimiquement avec de l’oxyde de magnésium de la chaux ou de la soude. Une fois séchés les restes ne peuvent pas être valorisé dans la filière agricole (contrairement au résidus de tannage végétal) et doivent être entreposés en décharges de classe I pour les déchets présentant un caractère dangereux. (2)
Les dernières réformes environnementales certes louables ont eu des conséquences importantes. Les nouvelles normes de sécurité sanitaire plus strictes ont poussé les tanneries françaises à entreprendre d’importants et coûteux investissements pour mettre en place des usines de retraitement innover dans leur secteur et repenser leur activité.
Mais beaucoup ont dû fermer avec pour conséquence en plus du chômage la sous-traitance à l’étranger. Et c’est là que se cache la ruse : à l’étranger, souvent dans des pays en voie de développement les normes écologiques et sociales sont moins strictes… et les coûts de production moins élevés. Loin des yeux, loin du cœur, le problème écologique a disparu !
Il reste en France quelques rares tanneries qui produisent encore du « végétal ». Un cuir plus écologique est donc possible mais il est forcément rare et cher.
En revanche parler de cuir Bio représente un abus de langage car non seulement il n’existe pas d’organisme indépendant qui pourrait certifier de la qualité d’un tel produit (comme http://www.ecocert.fr/textile-biologique pour l’Agriculture Biologique) mais il faudrait pour cela que les animaux dont on tanne la peau soient élevés selon les normes de l’agriculture biologique. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.
Le tannage végétal : fragment d’un discours amoureux
La santé
Le « cuir à tannage végétal » est plus respectueux de l’environnement mais il est aussi moins nocif pour la santé. Santé de ceux qui le produisent, de ceux qui l’utilisent quotidiennement et enfin celle des utilisateurs finaux. Les premiers parce qu’ils utilisent moins de produits nocifs les autres parce qu’une des grandes qualités de ce type de tannage est qu’il produit un cuir qui ne génère pas d’allergie, contrairement au tannage au chrome (3).
C’est pourquoi on utilise le tannage végétal notamment pour l’orthopédie pour la sellerie et le harnachement des chevaux (qui font aussi des allergies !) et vous en trouverez souvent en doublure de vos chaussures.
Matière vivante
Contrairement au tannage au chrome que l’on est obligé de saturer de pigments pour contrebalancer sa teinte « naturelle » gris/bleu peu engageante le tannage végétal produit un cuir aux teintes naturelles qui permet des teintes plus profondes et plus nuancées.
Il présente un toucher chaleureux différent selon les peaux et le type de finition ce qui donne aux produits une identité particulière. C’est pourquoi chacun de nos sacs tannage végétal est unique. Ce cuir se patine avec le temps et comme un vin il se bonifie.
En guise de conclusion
En tant que jeune entreprise artisanale nous sommes confrontés au même dilemme que d’autres entreprises à conscience éthique, à savoir trouver le juste équilibre entre économie et écologie.
Le tannage végétal ne peut certes pas être considéré comme un cuir bio mais c’est ce qui se rapproche le plus de l’écologique.
Convaincu par les qualités sensuelles de ce type de tannage, nous sommes heureux de vous présenter enfin nos premiers accessoires motards en tannage végétal. Un porte monnaie couleur cognac vintage, fabriqué dans nos ateliers, avec des colles sans solvant et beaucoup de cœur à l’ouvrage.
Le laboratoire tourne à plein régime : de nouveaux modèles sont en préparation pour qu’à terme toute notre gamme soit éco-conçue.